Le Dilemme de Thanos

L’Intérêt Individuel et l’Intérêt Collectif

Ce texte est basé sur une fiction. Toute ressemblance, analogie ou application possible dans le réel n’est absolument pas fortuite.

J’aime l’univers de Super-héros depuis que je suis petit car j’y vois une mise en lumière de la complexité des relations des individus (eux mêmes complexes) à leurs environnements (pas moins complexes).

Dans les 2 derniers volets de la saga Avengers (Infinity War et Endgame), le super-méchant identifié est Thanos. Il a un projet qui va générer une grosse opposition des Avengers (ça bataille sec dans les 2 films)

Résumons le projet et les éléments que Thanos entend imposer à l’humanité en quelques points :

  • Thanos est le seul survivant d’une planète détruite par la surpopulation
  • Il décide de réunir les pierres d’infinité qui lui permettront d’éradiquer 50% de l’Humanité d’un simple claquement de doigts
  • Le choix de ceux qui disparaitront est remis au hasard
  • Son objectif (formulé) est de rétablir l’équilibre universel

Essayez de discuter d’un sujet aussi « touchy » dans la réalité et vous verrez que c’est une aventure !

Il est donc essentiel d’apporter quelques éléments méthodologiques pour pouvoir échanger sur un sujet polémique.


Bien comprendre que nous ne pouvons pas tous être d’accord et surtout pas pour les mêmes raisons…

Avant tout, si nous souhaitons débattre pour identifier un consensus, j’aimerais vous présenter le Postulat de Cohérence de Daniel Favre :

Chacun (Tout le monde) a de bonnes raisons (comprenez des raisons valables) de :

  • Penser ce qu’il pense
  • Dire ce qu’il dit
  • Faire ce qu’il fait
  • Ressentir ce qu’il ressent

Avertissement avant d’aller plus loin !

Comprendre et intégrer ce postulat, c’est prendre le risque d’adhérer à une démarche emphatique! Je préfère prévenir car l’empathie peut générer de sérieux dérangements à ceux qui y sont étrangers.


Je précise également que ce Postulat de Cohérence est à double sens : il vous concerne (ça, j’imagine que vous l’aviez bien intégré) et il concerne tout autant « Les Autres » (y compris, et surtout, ceux qui ne sont pas d’accord avec vous et / ou qui suscitent des pointes émotionnelles fortes)

Dans un 2ème temps, je vous invite à vous concentrer sur ce qui va être utile pour communiquer avec quelqu’un en désaccord. Peut être avez vous remarqué qu’il y a 3 niveaux de communication verbale ? Non ?

Je vous propose cette clarification :

La Communication Personnelle

Elle expose les points de vue, les opinions, les avis et les jugements de celui qui parle. Repensez à ces discussions autour d’une bonne bouffe quand un sujet délicat arrive sur la table…( si vous voulez tester, voici quelques pistes à expérimenter : la peine de mort, l’avortement, la politique, la religion, l’éducation des enfants…). Le ton monte, les esprits s’échauffent. Est-ce que tout le monde repart d’accord? (« je me rends compte que j’ai tort et que tu as raison »)

Peu probable… On ne change pas d’opinion dans l’échange ou dans l’opposition. On la fait évoluer avec l’expérience, sur un temps relativement long.

Cependant, je vous renvoie au Postulat de Cohérence… J’ai de bonnes raisons et nous avons tous de bonnes raisons de dire ce que nous disons et de penser ce que nous pensons…

La Communication Émotionnelle

Vous avez sans doute remarqué que vous ressentez pas mal de choses quand vous êtes face à la contradiction. « Ça m’énerve, ça me déçoit, je crains que…, j’aime, je n’aime pas, … ».

Autant de formules qui servent généralement d’introduction ou de révélateurs à la communication émotionnelle. En disant cela, on manifeste un état émotionnel ou un ressenti.

Là encore, je vous renvoie au Postulat de Cohérence. Les émotions appartiennent à chacun et ont une signification. Cela se respecte.

La communication factuelle

Comme son nom le laisse entendre, elle est basée sur des faits. Et ce n’est pas encore suffisant pour être d’accord ! Des faits chiffrés par exemple peuvent être discutés intensément (« Les chiffres on leur fait dire ce qu’on veut… »)

C’est pourtant sur ce point que nous allons pouvoir construire un échange.

La compétence que je vous invite donc à mobiliser avant de vous aventurer dans un débat est

Lécoute !


Revenons à Thanos et sa proposition discutable

Il y a quelques questions qu’il me semble intéressant de se poser pour établir une réflexion. Cette liste n’est surtout pas exhaustive !

Plus vous vous posez de questions, plus vous construirez une réflexion pertinente et « affirmable ».

  • La décision émerge-t-elle de membres du collectif ?

Cela peut paraitre évident mais il est significatif de savoir si les décisionnaires font partie du collectif concerné. Il serait plus difficile d’adhérer à un projet plus ou moins contraignant si ceux qui arbitrent les choix ne sont pas personnellement impliqués.

C’est donc un des points litigieux de la démarche de Thanos et qui reste sans réponse claire dans le film : A-t-il envisagé de se mettre dans la balance et de prendre le risque de disparaitre lui-aussi?

Ce n’est pas vraiment la même démarche de prendre une décision pour un ensemble d’individus si on en est soi-même membre ou si on y est étranger 😉

Notions connexes : #exemplarite #justice #implication #autorite #domination #soumission #adhesion #intention #but #objectif …

  • L’individu se sent-il concerné par le collectif ?

« Après moi le déluge ». Comprenez, « Je me moque bien de ce qui peut arriver aux autres ».

C’est le genre de réponse opposé par ceux qui se considèrent hors du collectif. Le sont-ils réellement?

Il est souvent souligné que l’humain est un être social. En témoignent les études sur les carences que provoquent l’absence de lien social et d’interactions. Je vous invite, sur cette thématique à vous (re)plonger dans les productions de B. Cyrulnik (qui ne s’adressent qu’aux terriens).

J’invite ceux qui se sentent autonomes et indépendants à sincèrement analyser cette affirmation…

Suis-je concerné ou ai-je la conscience d’être concerné par un sujet ? C’est souvent sur ce point que le flou flotte (à prononcer plusieurs fois de plus en plus vite pour travailler l’articulation)

Si les individus d’un collectif ne se sentent pas concernés par le devenir du collectif, est-ce finalement une remise en cause du collectif lui-même ?

Il est, bizarrement, bien plus facile d’émettre un jugement sur une décision si je ne m’envisage pas moi-même comme impliqué dans le processus. Si je résume le dilemne :

« Je suis bien conscient que nous sommes trop nombreux dans l’univers et que nous devrions être moitié moins! »

Suis-je cependant prêt à accepter de faire partie de ceux qui disparaissent ?

Là, la réflexion se durcie quelques peu. Avez-vous noté comme les solutions sont évidentes lorsqu’elles ne nous concernent pas ? (Yaka, Taka, Yzonka…)

L’objectif même d’une action ou d’une décision doit donc, avant tout, être accessible à l’ensemble des intéressés pour qu’ils puissent mener à bien leur réflexion.

Notions connexes : #conscience #choix #consensus #acceptation #contestation #nihilisme

  •  Le droit de se prononcer ou l’infantilisation ?

Thanos n’est pas le genre de personne à soumettre son projet à débat. C’est peut-être cela le plus dérangeant dans cette affaire (selon moi en tout cas). Comme il n’a pas clairement énoncé s’il se positionnait dans le collectif ou en dehors, on a encore plus de difficultés à vraiment étudier son programme. À moins de faire une confiance absolue à quelqu’un dont on ne connait pas les valeurs et le processus décisionnel…

A-t-il envisagé d’autres solutions ? (à tout hasard)

S’il avait souhaité mettre le sujet au coeur de l’assemblée, nous aurions pu échanger et peut-être identifier une alternative moins radicale… voire plus pertinente !

Puisqu’il ne l’a pas fait, nous pouvons à juste titre parler d’infantilisation. Mon ami Arnaud a attiré mon attention sur l’étymologie du mot enfant : du latin infans, celui qui ne parle pas (encore?)

On donne un nouvel éclairage au terme « Infantiliser ». Ce n’est pas une réaction d’un enfant frustré mais une demande au droit de s’exprimer et de se faire entendre. Rien de naïf ou de puéril là dedans…

Je ne sais pas ce que vous en pensez mais il me semble qu’une décision prise et validée par soi-même est bien mieux assumée que si elle est imposée.

Notions connexes : #choix #responsabilite #autonomie #librearbitre

  • Quelles sont les règles collectives ?

Tout groupe d’individus possède ses règles d’organisation. Pour un pays, il s’agit des lois. Pour des sportifs, les règles de l’activité. Pour un corps de métier, la déontologie….

Notez que plusieurs systèmes de règles peuvent s’appliquer à un même groupe. La Morale parmi d’autres… (qu’est-ce qui est « moral » et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Vaste sujet de débat !)

Elles sont importantes ces règles. Elles nous garantissent un vivre ensemble pérenne. Si on ne les respecte plus, qu’adviendra-t-il de notre collectif ?

Vient donc le moment de savoir si le projet de notre ami Thanos le bienveillant entre dans le cadre des règles.

Tuer (ou faire disparaitre plus précisément) la moitié de l’humanité pour permettre à l’autre moitié de vivre sereinement en remettant le « choix » au hasard…

Dans le film, ceux qui disparaissent ont l’air paniqué mais ne donnent pas l’impression de souffrir. Ça adoucit l’acte mais est-ce que ça le rend acceptable et moral sans discussion pour autant ? (Pas claire cette histoire…)

On peut aussi discuter sur la pertinence de la morale. Est-elle bien utile ? Si on la met de côté sur ce coup là, on la rétablit juste après ou on tire un trait définitif dessus ?

Notions connexes : #democratie #anarchie #justice #cadrelegal #rapportalamort

  • Apprécier les risques et les bénéfices

Avec le projet Thanos, cette évaluation n’est pas si simple :

  • Bénéfice : la survie de l’Humanité dans de bonnes conditions
  • Risques : Disparaitre / Perdre des proches / Renoncer à une organisation collective connue / Passer à côté d’autres solutions… (à compléter par vos soins)

Ne croyez pas à la simplicité dans ce chapitre non plus. Nous avons tous une manière différente d’appréhender les risques et d’évaluer les bénéfices.

Si je suis satisfait de ma vie actuelle pourquoi envisager une autre voie ? Si je pense les risques élevés pourquoi les prendrais-je ?

Ajoutez à cela que nous ne portons pas tous notre attention sur les mêmes choses en situation d’enjeu.

C’est un des principe d’un test que je soumets à la plupart des gens que j’accompagne (#Spotlight #PlacementdeProduit ) :

Imaginez que vous êtes une petite souris qui entre dans une pièce dans laquelle se trouve un beau fromage (le bénéfice) et un chat (la menace).

Sur quoi focalisez-vous votre attention ?

  1. Le fromage 
  2. Le chat 
  3. Faut que je réfléchisse et que j’observe un peu
  4. Je vais vers le fromage et gardant un oeil sur le chat, on verra bien 

La situation est simple mais les comportements variés. Imaginez donc une situation complexe et réellement impliquante…

Tout ça pour quoi?

Vous vous êtes donné du mal pour lire ce texte jusqu’au bout et je vous en remercie. Alors pourquoi toutes ces questions ?

Vous l’aurez compris, le sujet de l’Intérêt Individuel et de l’Intérêt Collectif mérite qu’on se penche sérieusement dessus.

Le collectif est incontournable, c’est la base de l’existence humaine. Pour qu’il tienne le coup, il est nécessaire de faire vivre son expression sinon, le risque de division puis de disparition est inévitable.

On parle d’intelligence collective, c’est une réalité que j’ai éprouvée à de multiples occasions. Il serait, à mon sens, dommage de ne pas lui donner l’occasion de se manifester.

Pour cela, il faut aussi cultiver les conditions de la Confiance. C’est un travail de tous les jours, sur soi et avec les Autres!

Méfions nous des sujets complexes auxquels on trouve des solutions simples. Penser la complexité, c’est penser ensemble même si cela parait utopique.

L’utopie est simplement ce qui n’a pas encore été essayé

Théodore Monod